La stigmergie
Mis à jour le 24/10/21. D'après une bibliographie de Lilian Ricaud
La stigmergie est un mécanisme de coordination indirecte entre agents ou actions. Le principe est qu’une trace laissée par une action dans l’environnement stimule l’accomplissement de l’action suivante, que ce soit par le même agent ou un agent différent.
De cette façon, les actions suivantes tendent à se renforcer et bâtir sur l’existant, ce qui conduit à l’émergence spontanée d’une activité d’apparence cohérente et systématique. La stigmergie est une forme d’auto-organisation. Elle produit des structures complexes sans avoir besoin de plan, de contrôle ou même de communication directe entre les agents.
Dans le schéma ci-contre, des travaux peuvent être acceptés par le groupe le plus important, une alternative par un autre groupe d’usagers, une autre uniquement par un petit groupe, et parfois le travailleur sera seul avec sa propre vision des choses. Dans tous les cas, les travailleurs restent libres de créer comme ils l’entendent. Ils ont une autonomie complète pour créer comme ils le souhaitent. Comme il n’y a pas de personne désignée pour accomplir une tâche, chacun est libre de créer une alternative s’il n’aime pas ce qui est proposé. |
Les anciens modèles
Modèle concurrentiel | Modèle coopératif |
Redondance
Gâchis de ressources, perte d’idées Le secret bloque les progrès
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Efficace mais pour 2 à 8 personnes !
Demande de gérer des égos : gros travail sur l‘humain
Hiérarchie de consensus : contrôle des individus par le groupe |
La stigmergie, un modèle avec « autorisation a priori »
La stigmergie n’est ni compétitive ni collaborative dans le sens communément admis du terme. Avec la stigmergie, une idée initiale est donnée librement, et le projet est conduit par l’idée, pas par une personnalité ou un groupe de personnalités. Aucun individu n’a besoin de permission (modèle compétitif) ou de consensus (modèle coopératif) pour proposer une idée ou initier un projet. Il n’y a pas besoin de discuter ou de voter une idée, si une idée est intéressante ou nécessaire, elle va susciter de l’intérêt. L’intérêt viendra de personnes activement impliquées dans le système et qui auront la volonté de fournir les efforts pour porter le projet plus loin. La stigmergie met aussi les individus en situation de contrôler leur propre travail, ils n’ont pas besoin de la permission du groupe pour leur dire avec quelle méthode travailler ou à quelle partie contribuer.
La personne qui a eu l’idée initiale peut effectuer ou non des tâches pour avancer le projet. La promotion de l’idée se fait par le volontariat, par un groupe enthousiasmé par l’idée ; cela peut être ou peut-être pas ceux qui la mettront en œuvre.
Le secret et la compétition ne sont pas nécessaire car une fois une idée donnée, celle-ci et tous les nouveaux développements appartiennent à ceux qui choisissent de travailler dessus. N’importe qui peut proposer un travail, l’idée ne peut pas mourir ou être mis en pause par des personnes ; l’acceptation ou le rejet concerne le travail fait, et non pas la personne qui l’a fait. Toutes les idées sont acceptées ou rejetées en fonction des besoins du système.
Le développement par système de « Nœuds »
Plus le travail progresse et plus l’équipe principale et ses membres se développent, plus des personnalités intéressées et dévouées émergent, ce qui commence à donner au projet une direction. Des spécialités se forment autour des intérêts de l’équipe principale étant donné que l’équipe principale produit la majeure partie du travail et que ce travail est le plus valorisé par le reste des usagers.
Avec l’arrivée de membres supplémentaires, plus de personnes feront l’expérience de la frustration liée à une utilité ou une autonomie limitée. Certains de ces membres trouveront un intérêt dans le travail laissé inachevé et ils créeront un nouveau nœud de membres dans les mêmes dispositions et de nouvelles personnes pour prendre en charge le travail non accompli. De façon alternative, des usagers occasionnels et des observateurs du système, qui n’ont pas l’envie ou l’expertise pour être plus actif dans le système originel, verront un nouveau besoin et démarreront un nouveau nœud. La stigmergie encourage la fragmentation en différents nœuds plutôt que le modèle entrepreneurial traditionnel d’acquisition et d’expansion sans fin. Parce que chaque individu n’est responsable que de son propre travail, et que personne ne peut diriger un groupe de contributeurs, l’expansion signifie plus de travail pour l’individu et une perspective d’auto-limitation. Il y a plus d’autonomie dans des groupes plus petits, la fragmentation est le résultat le plus probable du développement.
Exemple d’ouvrages réalisés par Stigmergie : 1 fourmilière : Vidéo fourmilière
Linux, Wikipédia, WordPress, Firefox … Dans les communautés du libre, le travail se fait de manière très ouverte et permet à des participants de se positionner librement sur les taches qu’ils souhaitent.
Principes clés pour mettre en œuvre une coopération stigmergique
=> intention commune autour d’un objectif prépondérant : Adopter un même CADRE de VALEURS. Quelque chose d’assez grand et persuasif pour aider les individus et les groupes à surmonter leur différences personnelles afin d’arriver à quelque chose de plus important que ce qu’ils auraient pu faire en restant isolés.
=> Laisser des traces perceptibles, modifier l’environnement pour rendre visible l’action en cours (ex : the desire path !)
=> Ouverture, transparence et accessibilité des données à priori
=> Usage de VRAIES licences libres
Brevets = freins à l’innovation. Agrandir l’écosystème autour de ces technologies en bénéficiant de contributions extérieures. Dans l’usage libre, un agent peut s’investir en toute confiance, bâtir sur l’existant et réutiliser le produit de son travail
=> mécanisme de contrôle a posteriori, pour garantir une certaine qualité dans le résultat ou une échéance particulière.
=> Grand nombre et grande diversité d’agents
Avoir un groupe de grande taille augmente la probabilité d’obtenir une correspondance entre les tâches à effectuer et les compétences en présence. Même si une grande organisation possède de nombreux talents en interne, il y a toujours plus de talents à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’organisation. La frontière entre l’intérieur et l’extérieur d’une organisation devient donc de plus en plus poreuse. Comme dans les écosystèmes, la biodiversité est importante.
=> diversité interactive. Différence entre foule & communauté : il faut qu’il y ait du lien, des interactions entre les agents.
=> auto-allocation des tâches. Les agents sont libres de choisir où se positionner et sur quelles tâches se greffer. Ce libre choix a pour intérêt que chacun va spontanément se positionner là où il connait le mieux le sujet, où il se sent plus adapté, plus en phase avec le projet et où ses compétences seront les plus utiles.
=> croissance organique et division en nœuds. Fragmentation en « noeuds » ou pôles plus spécialisés permet une croissance plus organique en phase avec les besoins et l’environnement. Laisser les mécanismes d’auto-allocation s’auto-réguler pour une croissance « organique » et distribuée qui colle au plus près des besoins du terrain. (Ex : la règle des 2 pizzas avec petite équipe, meilleure communication)
=> gérer les tâches critiques. L’inconvénient de l’auto-allocation est que certaines tâches plus pénibles ou rebutantes pourraient rester orphelines. Dans beaucoup de cas c’est un signe que ces tâches ne sont pas nécessaires ou ne sont pas le meilleur moyen d’atteindre le but souhaité. Pour une organisation avec un but ou une échéance précise à atteindre, il peut malgré tout être nécessaire de combiner un fonctionnement en réseau stigmergique avec une organisation classique (hiérarchie pyramidale ou consensus) pour la gestion de certaines tâches critiques.
=> Accepter et faciliter les branches de projets développés en parallèle. Une organisation stigmergique devrait prendre en compte et accepter le fait que plusieurs projets a priori « concurrents » puisse avoir le droit de co-exister du moment que des agents choisissent de les porter. Mieux elle devrait essayer de faciliter le développement de telles branches.
=> des règles d’interaction simples. Un tas de règlements compliquées = barrière au passage à l’acte et implication spontanée difficile. De plus avec un grand nombre et une grande diversité d’agents, des règles compliquées nécessiteraient de prévoir de nombreux cas de figures et rendrait les choses impossibles. Attention aux usines à gaz.
Un système stigmergique s’auto-régule via l’activation de boucles de rétroaction positives ou négatives au sein du système dans son ensemble, fonctionnement caractéristique des systèmes complexes adaptatifs.